En 2017, plus de la moitié de la population mondiale réside en ville, une proportion qui devrait atteindre 70% d’ici à 2050. Face à une telle croissance, le bien-être urbain devient un enjeu majeur pour les acteurs locaux et politiques. La mutation de nos villes doit donc impérativement intégrer ces questions du bien-être et de la santé des citadins. Nous avons en effet la conviction que la ville peut être créatrice de bien-être et de santé, mais peut également générer du mal-être et des problèmes de santé. Comment alors les acteurs de la ville peuvent-ils s’assurer qu’ils travaillent dans le sens du bien-être commun ? Quels sont leurs leviers d’action ? Nous allons nous interroger en considérant les matériaux urbains et leur agencement, afin de déterminer la nature de leur influence sur les citadins.
Le Feng Shui
Faisons un détour par la Chine. Le Feng Shui est un art ancestral chinois qui repose sur l’aménagement de l’espace et vise à favoriser le bien-être et la santé, par la disposition, la couleur ou encore la « nature » de ce qui nous entoure. En d’autres termes, ces facteurs auraient une influence sur nos humeurs et auraient même des vertus thérapeutiques. Le Feng Shui occupe d’ailleurs une place importante dans la construction des bâtiments en Chine.
Dans le même esprit, d’innombrables études certifient que la présence d’espaces naturels serait bénéfique pour le bien-être, comme nous l’évoquions dans un précédent article. En 1992, Gesler les nomme les « paysages thérapeutiques » : par leur simple présence, les arbres, les parcs, les fleurs et même les coins d’eau réduisent le stress et l’anxiété. Outre ces vertus, les arbres permettent d’amoindrir le niveau de pollution, les effets de chaleur ainsi que la pollution sonore, principaux problèmes dans les espaces urbains.

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La ville sensible
Que ce soit par l’ouïe, la vue, l’odorat, le toucher et même le goût – si l’on pense à la street food et à l’offre de restauration -, la ville est un lieu d’expériences sensorielles. Prenons le cas des sons : ils ont une influence sur notre moral, qui peut être négative ou positive selon leur nature et selon notre état d’esprit. C’est pourquoi des concepteurs ont travaillé sur des matériaux de construction anti-pollution sonore, visant à réduire les nuisances causées par les voitures (ou par les voisins !). C’est notamment le cas des murs anti-son que l’on retrouve en bordure d’autoroutes, ou des immeubles d’habitation dont l’insonorisation a beaucoup progressé depuis 50 ans. Certains chercheurs se sont d’ailleurs penchés sur l’« architecture sonore », qui consiste à concevoir des immeubles qui font naître des sons mélodieux avec le vent.
Qu’en est-il des matériaux utilisés dans la construction de nos villes ? Depuis plusieurs années et grâce aux progrès techniques, on assiste à l’apparition de nouveaux matériaux de construction. Des bâtiments en matériaux recyclés voient le jour en milieu urbain. L’utilisation du bois est également de plus en plus fréquente. Ces deux exemples sont une réponse aux problématiques environnementales, enjeux majeurs pour nos sociétés. Durable, renouvelable et esthétique, le bois crée des espaces de vie dans lesquels, de surcroît, les gens déclarent se sentir particulièrement bien.
La ville qui dépollue et qui pollue
La réflexion sur les matériaux a conduit au développement de matériaux dépolluants. Basés sur le même principe que les vitrages et bétons autonettoyants qui décomposent les salissures organiques, de nouveaux bétons purificateurs de l’air intérieur ou extérieur sont commercialisés par les cimentiers.
Aujourd’hui principalement utilisés dans la construction d’infrastructures routières, ils pourraient également servir pour les immeubles. Certains scientifiques affirment même que la pollution atmosphérique diminuerait d’un tiers en ayant recours à cette solution pour la construction de 70% des bâtiments d’une rue. [1]
Les matériaux sont à l’inverse une source de pollution dans les phases de déconstruction. Or il existe aujourd’hui des solutions de déconstruction innovante, permettant de déconstruire en triant et en traitant les déchets en partie sur place, de manière à produire directement des matériaux recyclés utilisables sur le chantier de construction. Se pose alors la question de l’acceptation par les citadins et les élus de ces matériaux pour reconstruire. Outre les réticences des professionnels liés à des questions techniques (est-ce aussi performant que du matériau neuf ?), des freins psychologiques existent chez les citadins car le matériau de déconstruction peut être qualifié de déchet, et personne ne souhaite vivre dans une ville ou un logement construit en déchets : les mots ont ici leur importance si l’on souhaite créer du bien-être tout en répondant à des enjeux écologiques.
[1] : http://www.linternaute.com/science/environnement/deja-demain/06/mur-antipollution/mur-antipollution.shtml